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3 mars 2022 : L’empreinte écologique du numérique avec François RICHARD

L’empreinte écologique du numérique

 

Comment rendre le numérique compatible avec la trajectoire 2°C ? Quelles questions instruire sérieusement et quels acteurs mobiliser pour un système numérique résilient ? Comment relancer le débat sur la 5G pour construire une gouvernance numérique adaptée et efficace ?

 

Avec François Richard, expert impacts environnementaux du numérique auprès du Shift Project[1], ingénieur ESIEA, docteur de l’université Pierre et Marie Curie en informatique. Comme élu de sa commune et de la communauté de commune il est chargé de la transition écologique et de la cuisine centrale.

François Richard présente une synthèse des éléments contenus dans la note d’analyse publiée le 30 mars 2021 par le Shift Project sur l’impact environnemental du numérique et le déploiement de la 5G.

Cette nouvelle étude met à jour les scénarios prospectifs des impacts du numérique mondial, établis par le Shift Project en 2018.

Le numérique est désormais au cœur du fonctionnement de nos sociétés, et pourrait être un outil pour la transition. Mais la croissance des émissions de GES du numérique est désormais de 6% par an et va vers 9%. Ainsi la part du numérique dans ces émissions au niveau mondial est déjà de 3.5% en 2019, et pourrait doubler d’ici 2025.

L’efficacité énergétique liée aux progrès technologique ne compense pas l’explosion des usages : effet rebond, rattrapage dans certains pays en retard, développement de l’IOT (internet des objets : données individuelles santé, smart home, smart city), crypto monnaies, vidéos dont jeux vidéo en réseau, vidéos porno…

Concernant les terminaux, en 2018, 50% des émissions relevaient de la production du matériel et 50% de son usage. En 2021, ces parts sont respectivement de 40% et 60%.

La 5G va encore augmenter l’impact à la fois pour la production et l’usage, il s’agit d’une rupture. Déployée en masse le risque est de saturer le réseau au détriment d’usages indispensables. C’est pourquoi le Shift propose le déploiement d’une 5G raisonnée, par opposition à une 5G de masse.

Q : Existe-t-il pour le numérique l’équivalent du nutriscore ? Suite à la loi AGEC le bilan émission de GES /mois des consommateurs est-elle communiquée ?

Effectivement l’information mensuelle du consommateur sur ses émissions de CO2 par ses activités sur le web devrait être en place depuis janvier. Les chiffrages existants restent grossiers ce sont des moyennes sur lesquelles travaillent l’Ademe et l’Arcep. On est encore loin d’avoir l’information sur le CO2 généré par usage.

De même les indicateurs de réparabilité des équipements ne sont pas encore disponibles mais progressent

Q : Quel est l’impact des crypto-monnaies ? L’impact du télétravail ? l’impact d’une visio-conférence ? Quel moyen le plus sobre pour communiquer avec une personne ?

L’essor des crypto-monnaies et des capacités de calcul liées explose, et absorbe une part toujours plus importante des capacités des data centers. De nouvelles méthodes de calcul moins consommatrices d’énergie sont recherchées, mais on pourrait peut-être aussi s’appuyer plus simplement sur les services des banques.

Selon une étude de l’Ademe il n’y a pas de conclusion nette sur l’impact du télétravail en terme de CO2 : moins de transport domicile-travail mais autres déplacements, double équipement informatique, résidence principale chauffée…

L’impact d’une visio-conférence est proportionnel au nombre de participants, et sera réduit si la vidéo est limitée aux seules personnes qui parlent. Il faudra pouvoir informer l’organisateur sur l’impact de ces conférences selon les différents systèmes de connexion existants.

Pour communiquer avec une personne le SMS est le moyen le plus sobre. Les connexions type WhatsApp sont au contraire particulièrement coûteuses.

 

Q : Quel lien entre la 5G et la vidéo-surveillance ? Quelle dissuasion possible de s’abonner à la 5G ? quelle fracture sociale, générationnelle liée au numérique ? Quel impact psychique ? On est entraîné malgré soi, la sobriété peut être un choix d’exclusion ?

L’impact psychique sur les enfants peut se rapprocher d’une forme d’autisme, mais est réversible. La lumière bleue est nocive pour les yeux.

La vidéosurveillance dans les villes existe déjà avec le câble ou la 4G. Mais la 5G va surtout favoriser la vidéo-surveillance individuelle (rapide développement d’applications)

L’Arcep fournit l’implantation des antennes 5G, et on est raccordé si on souscrit un abonnement. Mais as-t-on besoin de la 5G à titre individuel ?

La fracture numérique, sociale, est un risque : les nouveautés technologiques sont réservées à ceux qui produisent déjà le plus de CO2.

Le modèle d’affaires des opérateurs actuels n’existe que grâce aux données collectées qui les enrichissent. Ce sont ces opérateurs du numérique qui nous contrôlent, avec une surveillance accrue grâce aux IOT.

Le numérique peut être un atout pour la transition écologique, mais c’est à la fois un poison et un antipoison.

L’impact du numérique n’a jamais été une question débattue ; avec l’arrivée de la 5G on est face à une rupture, dont il faut discuter. Le Shift propose un plan pour rendre le numérique soutenable, et milite pour un débat visant à déterminer les actions à mettre en place à l’échelle de la société pour la nécessaire transition numérique.

[1] Le Shift Project est un think tank qui œuvre en faveur d’une économie post carbone.