6 janvier 2022 : Les collectivités territoriales en transition, avec Bruno PAULMIER
L'ACTION PUBLIQUE POUR UN FUTUR SOUTENABLE ET DÉSIRABLE,
COMMENT METTRE LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN TRANSITION ?
Penser global, agir local. Les collectivités territoriales et notamment les Villes, sont, partout dans le monde, des acteurs majeurs de la transition : en capacité d’engager des changements structurels, elles le font à l’échelle d’avancées concrètes, pensées et mises en œuvre de façon participative.
Mais comment « embarquer tout le monde », les élus, les cadres et agents de la collectivité, les autres administrations publiques du territoire, les entreprises, les associations, les « corps intermédiaires », les citoyens, … ?
Avec Bruno PAULMIER, Président de l’Association des Dirigeants Territoriaux et Anciens de l’Inet et Directeur Général des Services de la Ville de Niort (79), mais aussi co-concepteur et co-animateur d’un cycle public de formation à la transition pour les cadres dirigeants des collectivités territoriales. Son engagement de longue date à Niort en faveur du développement durable – et auprès de plusieurs municipalités - et les résultats démontrés de cette Ville multi labellisée lui ont permis d’initier une démarche innovante de territorialisation des 17 objectifs de développement durable de l’ONU.
Au fil de sa présentation et des échanges, Bruno Paulmier, qui intervient ici en tant qu’expert qui n’engage ni la Ville de Niort ni l’association qu’il préside ou l’INET avec lequel il collabore, témoigne de l’intérêt des 17 Objectifs de Développement Durable de l’ONU comme cadre pour « embarquer » tous les acteurs dans la transition.
L’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté en 2015 son programme de développement durable à l’horizon 2030, qui vise à éradiquer la pauvreté et assurer la transition écologique et sociale. Cet Agenda 2030, et ses 17 ODD offrent un cadre qui s’adresse à tous les pays, tous les acteurs publics ou privés, et a vocation à être décliné à toutes les échelles. Son intérêt pour les Collectivités Territoriales, c’est justement sa dimension universelle : c’est sa légitimité « monde » qui peut « écraser » les divergences politiques et durées de mandat nous dit Bruno Paulmier, c’est sa diffusion généralisée et à tous les niveaux, servie par une communication visuelle efficace qui développe et impose des références communes aux plus grands pays comme au simple citoyen...
Q : Comment passer d’objectifs aussi généraux à une démarche locale partagée ?
A Niort en 2019, une démarche de territorialisation des ODD est décidée à l’unanimité en Conseil Municipal. Même en bénéficiant d’un contexte local favorable (partenariats historiques avec des acteurs locaux importants comme les mutuelles, l’hôpital, le groupement ornithologique…), la démarche visant à évaluer la performance des politiques publiques à l’aune des ODD n’est pas évidente.
Des ateliers animés par un bureau d’études sont organisés en 2019 visant à coproduire un véritable ressourcement du projet territorial en commençant par : quelle ville voulons-nous en 2030, quel est le rêve commun ?
La participation des acteurs, entreprises, associations, services de la ville est réelle, une dynamique est créée. Dans le même temps, des travaux scientifiques sont publiés à l’échelle régionale en Nouvelle Aquitaine (Acclimaterra) et nationale (Comité 21) et la feuille de route ODD de la France retient six enjeux : Éradication de la pauvreté, neutralité carbone, formation continue, santé et bien-être, participation citoyenne aux ODD, paix européenne et internationale. La feuille de route de Niort, mise en cohérence avec ce modèle, est adoptée à l’unanimité en séance publique.
Au final à Niort, les 17 ODD sont déclinés en 8 Défis et 140 actions. L’agenda niortais 2030 est plus structuré que l’agenda 21, l’ambition plus forte, le pilotage plus participatif : chaque action est pilotée par un cadre municipal (ou de l’Agglo) et un acteur de la société civile. Si la dynamique est clairement freinée par la crise sanitaire dès 2020, les exemples concrets de réalisation sont nombreux.
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Q : Comment réussit-on à entendre ceux qui n’ont jamais la parole ? Les associations sont-elles réellement parties prenantes ?
Pendant la phase d’ateliers, les élus ont été peu présents, ce qui a certainement facilité l’expression. Il est clair que les propositions ont des chances de réussite lorsqu’elles viennent directement des acteurs civils ou des citoyens et, au final, les élus ont bien adopté le référentiel élaboré.
Mais convient Bruno Paulmier, le choix initial n’a pas été d’embarquer le grand public, le moment n’était pas favorable, juste avant les élections. Au moment de l’agenda 21 (il y a 10 ans), la démarche qui voulait embarquer tout le monde avait bien rencontré « sa limite ». Durant cette nouvelle expérience, on a essayé différentes approches pour permettre l’expression de tous (demander aux conseils de quartier de déléguer des représentants, travailler dans le détail avec les habitants par exemple sur l’emplacement des parkings d’une cité de logements sociaux dans le cadre d’une évaluation de l’impact en santé…).
Q : A Niort, tout semble bien marcher, où est l’opposition ? Comment faire quand on est dans l’opposition dans des villes comme Saint-Maur ou Créteil où les choses sont verrouillées depuis des décennies ?
Bruno Paulmier est bien conscient qu’il est difficile d’être dans l’opposition. A Niort, tout le monde n’est pas satisfait : certains trouvent que les choses ne vont pas assez vite, parlent de greenwashing, de Bla Bla Bla…. Si la démarche a été exemplaire, il est trop tôt pour faire le bilan des résultats. La dynamique est engagée. Dans une ville comme La Rochelle, c’est le cas depuis plus de 30 ans et les résultats sont probants.
Les participants apportent de nombreux éclairages complémentaires en séance ou en poursuivant le débat via la messagerie.
François Gibert, élu EELV à Niort, qui a assisté à la conférence sans prendre la parole, confirme après la séance à la fois la vraie dynamique enclenchée en 2018, l’intérêt de la démarche initiale, mais aussi les difficultés des élus d’opposition (comparables à celles des oppositions à Saint-Maur ou Créteil), des interrogations quant aux résultats, et à la réalité d’une approche systémique pourtant indispensable.
Jean Paul Grange propose de s’inspirer du mouvement des villes en transition pour améliorer l’implication de tous (mettre en œuvre les principes de gouvernance partagée, de sociocratie), et pour garantir une approche systémique permettant de diagnostiquer, évaluer puis traiter les problèmes complexes (en utilisant un outil : local transformation toolkit).
Odile Marcel s’appuie sur la démarche paysage, approche sensible permettant de trouver un chemin qui motive et innove pour un développement durable véritablement consenti et désiré. « Les hommes que nous sommes ont besoin d’émotions et d’intuition pour être convaincus et s’impliquer ».
Bruno Paulmier résume en trois mots la démarche présentée : impulser, apprendre, et faire système. Et pour réussir : mobiliser les ressources existantes et les synergies public-privé pour encapaciter toute la société.