Les jeudi de la transition écologique et sociale , jeudi 6 mai 2021 : Vivre ensemble à l’échelle des territoires
Avec Damien Deville, géographe et anthropologue de la nature. Ses recherches portent de nouvelles manières d'être en lien avec l'autre, humains comme non humains, et de nouvelles manières de faire territoires. Franco-burkinabé, son passé en Afrique de l'Ouest lui inspire son présent en Occident. En parallèle de ses recherches, il s'engage au sein de la fédération de l'Archipel des alizées et porte une mission territoire chez EELV.
A travers l'exemple des Cévennes, du rapport des métropoles avec les autres territoires, des ruralités mais aussi de toutes ces alternatives relationnelles qui colorent de nouveau les territoires, Damien est animé par une conviction profonde : c'est en mettant le vivre ensemble dans les territoires au cœur des modèles de développement que nous saurons construire un monde juste et émancipateur.
Dans son introduction Damien Deville présente d’une part les politiques d’aménagement du territoire français menées dès les années cinquante depuis Paris, avec les blessures et les précarités provoquées, et d’autre part à une échelle très locale, à Alès, de nouveaux projets relationnels, entre humains et avec le non humain où finalement cause sociale et cause environnementale se sont mêlées.
Trois temps de l’aménagement du Territoire vu d’en haut sont évoqués :
- Inspirée par la théorie des avantages comparatifs, la spécialisation des territoires visant à créer des filières d’excellence et à éviter la concurrence entre territoires : spécialisations souvent imposées sur une épaisseur anthropologique ignorée : sous-marins à Cherbourg, aéronautique à Toulouse, agriculture industrielle en Bretagne à proximité des ports… cette spécialisation qui peut fragiliser le tissus social et économique préexistant, s’avère très dangereuse lorsque les filières s’écroulent.
- Les pôles de compétitivité développés dès les années 70 : concentration dans un même territoire, souvent agricole, d’activités complémentaires.
- Depuis les années 90, la métropolisation qui en concentrant les emplois, doit offrir à tous actifs et entreprises un maximum d’opportunités ; la grande métropole est supposée plus efficace, plus productive. Elle produit aussi les villes dortoir, les inégalités, les heures perdues dans les transport…
Pendant ce temps que se passe-t-il à Alès, et plus généralement dans les Cévennes ?
Suite au déclin des grandes industries, mines, textile, les villes s’effondrent. 95% des châtaigneraies traditionnelles sont abandonnées. Les centres anciens sont détruits, alors que des logements neufs sont produits. Alès aujourd’hui cherche à développer une filière thermale, des start up, une école des mines…être compétitive.
Mais, ce qui intéresse Damien Deville, ce sont les jardins potagers qui se développent spontanément : retour à la terre, permettant une production alimentaire essentielle dans un contexte de pauvreté, et véritable appropriation alternative du territoire créant du lien entre humains et non humains.
- Comment expliquer la clôture des jardins potagers à Alès alors qu’à Amiens et Bourges ces espaces sont ouverts ? Comment ces jardins potagers pourraient-ils devenir une alternative économique et procurer un revenu ? Il faut pouvoir vendre sa production ? c’est différent des communs ?
A Amiens et Bourges le contexte de pauvreté n’était pas le même, et les jardins potagers ont été réintégrés dans un projet plus large. La ville d’Alès a créé des jardins, effectivement ouverts, mais avec des contraintes ne permettant pas l’appropriation car dans un esprit « Alès, ville fleurie » déconnecté du contexte social et économique. Au contraire, ces personnes modestes, qui ont spontanément développés des jardins ouvriers, cherchent à améliorer leurs conditions de vie par le maraîchage, c’est leur objectif premier. Il s’avère que cette activité économique au contact de la nature, reconnecte au vivant, développe les relations sociales, est source de bien-être. Les jardiniers-maraîchers, deviennent acteurs du territoire, même si cette activité ne donne pas l’équivalent d’un salaire.
Plus généralement, en permettant au citadin de se réapproprier la ville et de participer à son évolution, ces initiatives alternatives ou implications dans des projets environnementaux, obligent à repenser l’organisation et les fonctionnalités des territoires.
La cause du climat ne répond pas à toutes les questions : la cause des territoires permet à la cause du climat d’atterrir, il faut donc les mettre en valeur, et « faire avec les gens ».