Accueil Jeudis de la Transition Ecologique et Sociale Comptes-rendus JTES Les jeudis de la transition écologique et sociale , jeudi 9 septembre 2021 : Réduire les émissions de gaz à effet de serre, le compte carbone est-il LA solution ?

Les jeudis de la transition écologique et sociale , jeudi 9 septembre 2021 : Réduire les émissions de gaz à effet de serre, le compte carbone est-il LA solution ?

Introduction par Armel PRIEUR , co-organisateur des assises pour le climat, président de l’association pour l’emploi sans carbone, co-animateur du Mouvement pour un compte carbone, qui présente la logique du compte carbone et répond aux questions.

 

Les dérèglements climatiques liés aux activités humaines sont maintenant connus de tous, les rapports successifs du GIEC sont formels et le dernier en date est clair : nous sommes désormais dans l'état d'urgence climatique.

Sur les 2785 milliards de tonnes de CO2 à ne pas dépasser entre 1870 et le dépassement des 1.5°C de réchauffement, nous en avons déjà émis globalement 2205 en 2019… il reste 580 tonnes qui seraient épuisés en 14 ans au rythme actuel. L’Accord de Paris enjoint de réduire les empreintes carbone de chaque pays avant 2050, pour la France il nous faut passer de 700 millions de t CO2 équivalent par an (incluant le contenu « gris » importé) à 150 avant 2050, soit une réduction de 80%.

Le compte carbone (budget carbone individuel) est une solution qui permet de réduire collectivement nos émissions de GES de manière flexible, juste et efficace. L’idée ? Un système de droits personnels d’émission de GES échangeables entre particuliers, partant des 10 t actuel, et dont le quota diminuera progressivement jusqu’à atteindre 2 t/an à l’horizon 2050 en générant une économie circulaire du bas-carbone.

 

Schéma du principe du compte carbone

 

La présentation détaillée résumée par le graphique, suscite de nombreuses questions techniques, de garantie de justice et d’efficacité, mais aussi de modalité d’adoption, et d’acceptation de l’outil.

Q : Comment calcule-t-on le contenu carbone ? Complexité du compte ? Les enfants ont-ils des quotas ?  Report possible du reliquat ?  Marché de la seconde main ?

Le compte carbone de chaque personne (ou famille avec par ex ½ part par enfant) sera suivi par une agence nationale ; chaque dépense (neuf ou seconde main) entraine un décompte de points carbone transféré par la carte bancaire (à défaut une carte carbone type carte vitale) à l’agence.

Le contenu carbone d’un pantalon par exemple sera au début celui qui a été calculé par l’Ademe, ce sera donc une valeur moyenne qui sera progressivement affinée par les entreprises qui auront intérêt à la réduire.

Chaque entreprise aura un registre carbone et devra imputer à ses clients le carbone utilisé pour chaque produit. Si une entreprise exporte, l’agence carbone lui affectera les points carbone correspondants et inversement pour les importations. Comptablement l’introduction du compte carbone, n’est pas plus compliquée que celle de la TVA (avis de l’ordre des experts comptables ). Le périmètre serait celui de la comptabilité nationale.

Le reliquat ne serait pas reporté sur l’année suivante (mais cela reste en débat)

Q : Quelle garantie de justice : inégalités entre régions urbaines desservies par les transports en commun, et zones rurales, Etalement des grosses dépenses ? Différence avec la TVA environnementale injuste ?

Des surquotas pourront être attribués à des personnes se trouvant dans une situation particulière rendant impossible la baisse de consommation carbone : famille obligée de travailler ou étudier, loin du domicile et sans transport en commun, ou soins dans un hôpital éloigné, bailleur social rénovant le logement loué…L’étalement des investissements est prévu sur la durée de vie. L’accès aux surplus des plus riches devrait être limité, en le faisant décroitre de 6% par an. Ceux qui voudront faire de la compensation seront orientés par ex vers la plantation de haies (sequestration carbone).

Les achats et revente de points se feront uniquement par le biais d’une autorité régionale.

Ce quota n’est pas une taxe, ne permet pas de rentrée d’argent pour l’Etat. Il n’est pas géré par Bercy, mais par une agence paritaire (entreprises, particuliers, ONG, syndicats...) un peu comme la sécurité sociale.

Q : Faut-il attendre qu’une agence soit créée ? Par quel gouvernement ? Articulation avec le niveau européen ?

Il faut commencer par créer l’agence nationale carbone.

Les empreintes climatiques actuelles par personne selon les pays sont très différentes, une coordination des agences carbone européenne est souhaitable, mais il faudrait commencer avec les pays proches selon l’empreinte actuelle (Espagne, Italie, Belgique)

Q : acceptation ? alors on ne mangera plus de viande ? Comment mettre en œuvre le compte carbone ? période de mise en œuvre pédagogique, sans sanction ?

La moyenne actuelle d’émission est à 10t, mais la médiane est à 8 tonnes. Réduire de 6% la première année, c’est un quota de 9.6 t, donc plus que ce que consomment 50% des français.

L’effet levier est très important : chacun devient conscient de ce qu’il consomme, (notamment grâce à son relevé mensuel) alors la demande des consommateurs pousse les entreprises à produire bas-carbone. Peut-être que dans 30 ans on produira des voitures à moins de 2litres/100, des vêtements sobres en carbone…

Les pays pauvres qui sont actuellement à moins de 2t/an, bénéficieront d’une amélioration de leur qualité de vie.

Pour passer à l’action, il est proposé qu’un référendum fasse connaître ce dispositif, en demandant de choisir entre les différentes solutions possibles pour réduire nos émissions (taxe carbone, droit à polluer, politiques sectorielles) qui doivent être examinés selon les critères de justice, d’efficacité, de prise en compte de toutes les sources locales ou pas, et de tous les acteurs. Les politiques sectorielles apparaissent complémentaires, la taxe carbone et les droits à polluer sont inefficaces et injustes.

Pour préparer le référendum, s’appuyer sur le réseau de comités locaux (une vingtaine actuellement) développer ce réseau, proposer et adopter un vœu en Conseil Municipal… 2022 pourrait être la bonne année pour interpeller les candidats à la présidentielle, et faire adopter le budget carbone individuel. Une période d’apprentissage (ou une année blanche) est aussi discutée, qui pourrait faire prendre conscience des consommations, et servir de calage pour les entreprises.