Les jeudis de la transition écologique et sociale : jeudi 7 octobre 2021 La ville du quart d’heure : L’urbanisme de demain ?
Introduction par Carlos Moreno professeur associé à l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris (Université Paris 1-Panthéon Sorbonne).
Si Carlos Moreno se présente comme un citoyen engagé, sa vision de la ville résulte d’une démarche scientifique, dont l’ambition est de transformer nos villes pour arriver en 2050 à des villes post-carbone.
Depuis le premier confinement, en réponse à la crise du Covid-19, les citadins ont dû limiter leurs déplacements et ont cherché près de chez eux à satisfaire leurs besoins "vitaux" afin de réduire les risques de contamination propres aux transports et lieux publics. Par ailleurs, des réseaux de solidarité de proximité se sont mis en place et ont montré l’importance de renouer des liens d’entraide à l’échelle du quartier. Plusieurs métropoles telles Ottawa, Copenhague, Melbourne mais aussi Paris planchent sur cette forme de nouvelle urbanité.
Ainsi l'idée de la « ville du quart d’heure » - les principales fonctions sociales comme se loger, travailler, accéder aux soins, s’approvisionner, apprendre et s’épanouir devant être accessibles à moins de 15 minutes - peut être vue comme un nouveau modèle urbain.
Le fait urbain se caractérise par la densité qui permet une mutualisation des services, et réduit les déplacements. Si on choisit d’habiter en ville, on doit accepter la densité, ce qui « hérisse » certains écologistes nous dit Carlos Moreno
« La densité est une vertu, la distance est un vice » R. Sennet
Pour arriver à des villes post carbone, il faut transformer nos villes : densité et mixité fonctionnelle permettront la démobilité nécessaire, car le transport est le principal poste d’émission de GES. Il ne suffira pas d’électrifier les voitures et isoler les bâtiments pour réduire notre impact environnemental et climatique.
Le paradigme productiviste de la métropole actuelle produit l’éclatement, la fragmentation des villes (dissociation domicile-travail-centres commerciaux), l’encombrement des transports comme les lignes 1 du métro et A du RER (emploi à l’ouest, logements à l’est), l’absence de communs. Ces villes désocialisent, et sacrifient le temps de la créativité des pendulaires.
La ville du quart d’heure relève d’un nouveau récit, loin de la course à la consommation.
Cette introduction suscite de nombreuses questions autour de l’acceptabilité de ce modèle, de la possibilité même de le généraliser, de sa capacité à proposer une ville équitable, de son rapport aux espaces naturels et agricoles….
Q : Comment rendre la ville attrayante, pourquoi les parisiens sont-ils partis dans des villes moyennes à 1H de TGV suite au confinement ?
Le modèle productiviste actuel rend la ville peu attractive à cause de la dissociation des fonctions qui génère de longs déplacements. La mixité fonctionnelle et la densité réduisent les besoins de transport. Les données statistiques ne confirment pas ces départs de Parisiens mis en scène par les médias, et on n’est pas du tout dans la situation de devoir construire des villes à la campagne.
Q : Ce modèle n’est-il pas une utopie ? on n’aura jamais tous un travail près de chez soi.
La pandémie Covid et le confinement ont entraîné de nouveaux rapports au temps, en particulier chez les 18-35ans qui accordent une nouvelle valeur au temps utile. Ce temps utile fagocité par nos villes productivistes. Les entreprises sont conscientes de ces changements. Les tiers lieux où l’on peut travailler près de chez soi vont se développer, qu’ils soient mono-enseignes ou plus larges.
Q : Comment faire des villes équitables sur le plan social ?
Il faut retrouver des communs ; « loger quelque part, vivre dans la ville »
Un exemple : On peut recenser les services non rendus à certaines heures creuses, et les acquérir pour les redistribuer aux personnes modestes (par ex pour les rvs chez le coiffeur, les séances cinémas...)
Q : Quelles relations avec les espaces naturels et agricoles ? Est-ce qu’on n’aurait pas plus d’inégalités entre espaces urbains ayant tous les services et espaces ruraux ?
Il y a évidemment des flux importants entre ville et campagne, les villes ne peuvent pas être autonomes pour l’alimentation ; l’agriculture urbaine ne peut pas nourrir les citadins, elle a un rôle d’éducation ?
La notion de « quart d’heure » à pied ou en vélo, a été choisie pour sa simplicité, mais ne doit pas être comprise de façon rigide. En ville ce peut être 18 minutes… Dans les espaces moins denses, il faut travailler avec un objectif ville de la demi-heure par ex. Une étude est en cours dans la région de Bethune-Bruay, où la population est peu concentrée dans la ville principale, il faut travailler sur la relocalisation de l’emploi.