4 novembre 2021 : Laudato Si avec Elena LASIDA et Alain LIPIETZ
Regards croisés sur l’Encyclique Laudato Si, pour une écologie intégrale.
Laudato Si invite à s’interroger sur l’écologie intégrale, notre rapport à la nature et à la société, mais aussi sur la question du progrès et de la valeur.
Cette encyclique de 2015 rend inséparables les questions écologique et sociale, elle est un cri d’alarme vis-à-vis d’un « système insoutenable » et une invitation à agir pour la sauvegarde de la planète et la lutte contre les inégalités.
Avec,
Elena Lasida, professeure à la faculté des sciences sociales et économiques de l’Institut Catholique de Paris, elle dirige le Master « Solidarités et Transition durable – Parcours Économie solidaire et innovation sociale ». Elle a été, chargée de mission « Écologie et société » à la Conférence des évêques de France (2015-2021), et a participé à la création du label Église verte. Elle présente fréquemment l’encyclique Laudato Si, avec ses conséquences économiques sur le développement des biens communs.
Alain Lipietz, économiste et écologiste engagé en politique, député européen EELV pendant 2 mandats, conseiller municipal et territorial dans le Val-de-Marne. Il est l’auteur de nombreux livres. Il s’est particulièrement intéressé à l’encyclique Laudato Si, et participe à de nombreuses conférences, y voyant une convergence notoire avec les valeurs écologistes.
Après avoir rappelé qu’une encyclique est un texte majeur de la doctrine de l’Eglise, signé par le Pape, Elena Lasida propose une présentation très claire de Laudato Si, en la résumant autour de 3 principes aussi simples que percutants : Tout est lié - Tout est donné –Tout est fragile. Laudato Si affirme ainsi un lien étroit entre environnement, gestion des ressources naturelles, et questions sociales et sociétales. Il s’agit d’une prise de position historique du Pape François, dans un style accessible à tous, et qui s’adresse à la communauté des hommes.
Tout est lié : l’interdépendance entre les humains et les autres êtres vivants est structurelle, chaque être vivant a une valeur, et a besoin des autres : ce qui est central dans la vie c’est la relation, cette relation qui identifie les vivants. Pauvreté humaine et pauvreté de la terre sont liées, le Pape parle d’écologie intégrale.
Tout est donné : nous ne sommes pas propriétaires de la Terre au sens où en disposer résulterait de notre contrôle. On l’a reçue gratuitement, et cette gratuité est au centre de la vie. Pour l’Eglise la destination universelle des biens est un principe supérieur à celui du droit de propriété. La question de l’écologie n’est pas seulement technique, elle interroge le sens de la vie, elle a une dimension spirituelle.
Tout est fragile : si tout est fragile, cette fragilité n’est pas à protéger, elle offre la possibilité de créer ; la créativité (au contraire de la fabrication) permet l’émergence de nouveau, ce qui implique aussi de perdre quelque chose. Cette fragilité dynamique contient le tragique et le joyeux, et nous incite à redéfinir le progrès comme basé sur les qualités relationnelles.
Alain Lipietz souligne la forte convergence de cette Ecologie Intégrale dans toutes ses dimensions, avec la vision proposée par les écologistes, affirmée notamment lors de la conférence de Stockholm (1972)
Dès le 19 ème certains écologistes s’opposent au christianisme productiviste « croissez…multipliez…les collines seront arasées et les vallées comblées » Historiquement pour les catholiques, l’homme est tout puissant à l’image de Dieu.
Avec Laudato si le Pape François rompt avec cette doctrine majoritaire, en s’inscrivant dans la pensée de François d’Assises. Marqué par le contexte sud-américain, où s’est inventée l’Economie Sociale et Solidaire pour lutter contre la pauvreté en laissant s’exprimer la créativité des personnes concernées, il remet au centre les relations entre humains ; de même, il faut laisser vivre la biodiversité.
En France, pays laïc, l’écologie politique a mis entre parenthèses la question du sens. En 2009 le terme de « transition » (écologique) est préféré à « conversion » jugé trop religieux. Pourtant souligne Lipietz, c’est bien le terme de conversion (employé par le Pape) qui convient, puisqu’il nous faut changer de direction, retrouver le sens. L’intérêt bien compris (l’immanence selon Habermas) ne suffit pas, c’est la dignité (la transcendance selon Levinas) qui nous pousse à respecter l’autre, un paysage…L’écologie politique dépasse le cadre étroit de l’intérêt personnel (ex : la solidarité intergénérationnelle)
Le débat se concentre sur l’apport de Laudato si à la mise en œuvre concrète de la transition écologique à Saint-Maur et bien plus largement. Quel avenir concret au principe de destination universelle des biens ? Comment les catholiques se sont-ils emparés de la parole du Pape ? Quelle influence de ce texte pour les non chrétiens ?
L’encyclique rédigée dans un style non religieux, s’adressait à tous les hommes de bonne volonté, et les politiques s’en sont emparés. En dehors des aspects religieux, il aurait pu être écrit par l’ONU, ou des écologistes, pour conclure un forum social. C’est une prise de position historique, un ralliement certes tardif, mais détaillé affirmant la centralité du bien commun. C’est un appel à la sauvegarde de la maison commune, qui renforce l’Écologie politique.
Laudato si n’est pas sans influencer les catholiques : aujourd’hui on compte en France 600 communautés catholiques labellisées « église verte ». Cette ouverture à l’Ecologie permet aussi un dialogue interreligieux, notamment avec les musulmans qui ont eux-mêmes tenu des assises de l’écologie.
Pour aller plus loin:
Lipietz.net/laudato-si-une-encyclique-pour-les-agnostiques